Inédit - Arrivée à Goa

 

Un épisode que je ne raconte pas dans Artisan voyageur, le récit autour de Respire, est ma seconde venue à Goa. Je devais y retrouver Charles et sa famille

J'arrivais de Mumbai, en train et le trajet avait été long, plus de vingt-six heures. Je les avais occupées à lire et écrire sur ma banquette bleue, sous les ventilateurs et je bavardais avec les occupants du wagon, des Indiens surpris de voir un "riche" Français dans un tel périple quand le même trajet en avion se fait en une heure. 

Peu avant l’arrivée, j'ai été pris d'une irrépressible somnolence et il devait être 16 heures. J'ai lutté contre ce sommeil déraisonnable avant de céder.


Quand je me suis réveillé en sursaut, le wagon était vide. Et les paysages composés de palmeraies ne ressemblaient pas du tout à ceux que j’attendais. Je me suis précipité sur les deux Indiens encore à bord pour leur demander : 

« Vargator, on a passé Vargator ? »

Avec un flegme typique, ils m'ont signifié que tout le monde était descendu il y a une heure à Goa. 

« Quoi ? Une heure ? Ce n'est pas croyable. Je dois absolument être ce soir à Anjuna pour fêter les sept ans de la fille d'un ami. Et... »

C'était n'importe quoi, je revenais pour un anniversaire que j'allais rater.

L'un des deux hommes, qui me semblait un voyageur comme un autre, m'a dit de patienter et il a décroché son téléphone. Il n'a pas fallu une minute avant que le train ne se mette à ralentir. Il était encore en ligne quand le train s’est arrêté tout à fait. L’homme s'est retourné vers moi et sur un ton impératif il a lancé : 

« Prends toutes tes affaires, descends ! »

Sans réfléchir, j’ai sauté hors du train. 

 
10518850_1565231303713703_8294404885658555428_o-1.jpg
 

J’ai vite constaté que j’étais au milieu de nulle part. Les wagons s’éloignaient. Il n’y avait pas une seule maison à l’horizon, pas une route autour. Des deux côtés de la voie, les rails s'étendaient à perte de vue. Je ne pensais à rien. La chaleur était pesante et je manquais d'eau. Mon sac était lourd. J'avais agi sous l'impulsion d'un autre. Je lui avais dit merci sans savoir à quoi m’attendre.

J'étais planté là et le silence si rare dans le pays m’enveloppait. Je ne me souviens pas d'avoir ressenti une quelconque angoisse. Il allait bien finir par se passer quelque chose. Je me voyais mal faire à pied le long chemin qui me séparait de l'arrêt que j'avais raté. Mon téléphone ne captait pas. Je ne pouvais pas localiser le lieu où j'étais ni les ressources alentour. Mon regard lorgnait les pierres au sol, les touffes de végétation. J'attendais la nuit. Il allait bien finir par se passer quelque chose. 

 
10562583_1534165166820317_5885261405631359184_o.jpg
 

Au bout d'une heure, un train est arrivé face à moi et je l'ai vu ralentir, là, pour s’arrêter sans raison apparente. Je me suis précipité de l'autre côté et j’ai sauté dedans.

Quand j’ai débarqué à Vargator comme une fleur, surpris que Charles ne m’accueille pas à la gare, il était onze heures. Minuit à Anjuna, entouré de buffles sur une route déserte, je suis tombé sur son répondeur : « Vous êtes couchés ? Sympa ! Vous m’avez complètement oublié. Je suis là. »

Il m'a rappelé, ensommeillé. Il dormait. Toute la famille dormait. Il allait venir me chercher. J’étais là un jour avant la date prévue ! Soupir…